Costumes de Carnaval en Sardaigne

Le Carnaval de Mamoiada est une des fêtes les plus anciennes de l'histoire de la Sardaigne. Sans chars allégoriques sophistiqués ni autres déguisements modernes, le carnaval garde depuis des siècles son caractère authentique.

Toute la population se dirige vers la grand-place du village pour exécuter les danses traditionnelles au son de l'« organetto » (accordéon médiéval) jusqu' au lever du jour prochain. Aucun élément artificiel ou d'importation n'est toléré à l’exception des visiteurs et des touristes qui viennent du monde entier et en nombre pour assister à ce spectacle fabuleux. Hommes et femmes du village suivent la coutume traditionnelle, en défilant, en dansant et en offrant sur le parcours des gâteaux typiques de leur pays.aux visiteurs.

Mais le plus grand attrait est le défilé des Mamuthones et des Issohadores qui sont le symbole de ce Carnaval et qui, avec leur démarche et leur "musique" rythmée, entraînent et impliquent la foule. Ils sont les maîtres du Carnaval. Les habitants de Mamoiada disent que sans les Mamuthones, il n'y a pas de Carnaval. Le dernier jour du carnaval est le mardi gras qui célèbre le pantin du carnaval mort placé sur une charrette entourée de "parents" qui pleurent le mort. Le lundi est dédié au carnaval des enfants qui partent de leurs écoles et défilent dans les rues du village puis se retrouvent tous sur la place pour des représentations théâtrales. Les enfants portent aussi des costumes mamuthones et issohadores avec le même sérieux que les grands.

A Mamoiada le Carnaval débute le 17 janvier, avec la fête de Saint Antoine.

Les femmes se déguisent souvent avec des vêtements simples qu'elles trouvent au fonds de leur propre armoire, qu'elles confectionnent elles mêmes et qui les rendent méconnaissables. Leur visage est caché par un masque en papier plié et de cires, peints de couleurs délicates et attrayantes. Cachées sous leurs accoutrements divers et protégées derrière leur masque de cartons elles distribuent quelques « piques » à leurs interlocuteurs mais seulement de simples plaisanteries qui ont pour seul but de faire rire sans malice. Il arrive même que le mari passe toute une soirée au bras de sa propre femme masquée, sans la reconnaître au milieu des éclats de rire étouffés du groupe. Certaines de ces femmes ne portent pas de masques. Elles s'habillent de chemises blanches en toile, assorties de décolletés amples, les manches des chemises sont ornées de riches dentelles, qu'elles ont confectionnées elles même. Les jupes longues descendent jusqu'aux talons, elles portent des corsets de soie bordés de tissu rouge et des tabliers diversement colorés.

 

Les hommes seuls portent les costumes de mamuthones et de issohadores

Les semaines qui précèdent le carnaval, les groupes de mamuthones et de issohadores se réunissent pour s'exercer et synchroniser leurs légendaires pas de danses, afin de créer ces effets de syntonie, essentiels pour la réussite du défilé. 

 


 Chaque groupe est composé de 8 Issohadores habillés de costumes blanc et de rouge avec un masque blanc et de 12 mamuthones affublés de peaux de bêtes et portant de lourdes sonnailles sur le dos. Les issohadores sont les meneurs du groupe. Ils se déplacent d'un pas léger et tiennent en main un long lacet de corde qu'ils brandissent en dominant les Mamuthones.

 Bien différent sont les mamuthones dans leur coutume et dans l'allure. Leurs pas rappellent le prisonnier entravé par des chaînes. Les mamuthones se placent en deux lignes parallèles de chaque côté du chemin encadrés par les Issohadores.

 Le Mamuthone est lié dans ses mouvements aux membres de son groupe. Il n'a aucune autonomie et ne peut pas sortir de l'équipe. Leur tête est couverte d'un bonnet à visière, bloqué par un mouchoir féminin de tissu couleur sombre qu'ils ferment sous le menton. Le visage est recouvert du long masque noir qui a été sculpté dans un tronc de lierre, de figuier ou de poirier sauvage sur lequel des traits durs sont gravés. Ils portent une veste et un pantalon de velours foncé par dessus lequel ils ajoutent une fourrure de mouton dépourvue de manches. Le costume est complété d'une énorme grappe de trente kilos de grosses cloches semblables à celles que portent sous le cou les vaches de montagne. Les cloches sont placées de manière décroissante commençant aux épaules et jusqu'au bas du dos. Les sonnailles sont réunies entre elles par une ceinture de cuir qui enlace le buste étroitement. Sur la poitrine à l'avant se trouve aussi une grappe de cloches plus petites.

La même musique souterraine, produite par les pas et le mouvement des épaules, produisent des sons synchronisés de toutes les cloches des 12 mamuthones qui font penser à des prisonniers enchaînés. L'expression douloureuse du masque pourrait confirmer qu'il perpétue un rite sacrificiel gréco-romain ou aussi des événements moins anciens qui se superposeraient au premier. Dans les deux cas il est un fait évident que les mamuthones sont en état d'esclavage. Des coutumes ancestrales, transmises oralement de père en fils, qui montrent la ferveur de leur foi dans les valeurs acquises, les traditions et les coutumes locales.

 

Les masques à cheval

Quelques jeunes gens s'habillent de vêtements de tissus rouges bordés de soie richement brodés. La chemise est blanche. Les boutonnières d'argent fin ornent les poignets du blouson assorti de franges et de rubans colorés. Les jeunes cavaliers portent de beaux masques et sont du plus grand effet. Ils montent des chevaux hautains bardés pour la fête, avec des grelots autour du cou et harnachés de selles précieusement brodées. La crinière et la queue de l'animal sont tressées de peaux colorées et divisées en mille tresses. Ils déferlent soudain dans les rues du pays, c'est une vision très surprenante. Chevaux et cavaliers semblent être des personnages gigantesques, ils traversent les rues en répandant la musique joyeuse des grelots, et sont poursuivis par les enfants. Les habitants se montrent à la porte de leur maison et leur offrent les gâteaux du carnaval et le vin.

 

La mort du pantin Carnaval

Dans les dernières heures de l'après-midi du Mardi Gras, la population entière se rassemble, y compris les enfants qui grossissent la foule, autour d'un chariot rudimentaire, sur lequel on place le pantin du carnaval du nom de Juvanne Martis ! Ce personnage mourant représente la fin d'un cycle selon certains - la graine qui meurt pour redonner vie à une nouvelle plante et aux nouveaux fruits. Pour d'autres, c'est l'image de la fin du carnaval pour renaître l'année suivante.

Nous assistons à la comédie séduisante et envoûtante : un pantin énorme gît sur un chariot frappé par de graves maladies. Docteurs, chirurgiens et infirmiers en blouses blanches procèdent avec les instruments d'usage. Chacun s'active autour du mourant, les uns s'évertuent à lui percer le crâne, d'autres effectuent des saignées et lui retirent des dizaines de mètres d'intestin. De chaque quartier on apporte des brocs de vin qui sont transvasés, à travers l'entonnoir qui domine la tête de Juvanne Martis dans un tonneau représentant le corps du malade. Des dialogues improvisés et des plaintes jaillissent; les phrases allégoriques sont interrompues par les larmes du chœur des pleureuses de Juvanne.

La mimique qui accompagne le chant de mort donne la mesure du talent à la fois comique et dramatique des acteurs et les gamins chantent à gorges déployées. Le soir venu, le chariot de Juvanne Martis s'éloigne. Les gens se regroupent de nouveau sur la grand-place pour consommer les plats de fèves avec du lard, arrosés d'un vin de pays jusque tard dans la nuit. Le Carnaval de Mamoiada est un véritable enchantement, les danses reprennent dans un enthousiasme communicatif où le partage semble être la clé pour comprendre les racines ancrées dans les gènes de ce peuple chaleureux.

Les anciens de Mamoiada ont toujours été conscients de la valeur historique et culturelle de leurs traditions qu'ils ont pu transmettre à leur descendants au cours des siècles. Ces coutumes sont restées intactes et empreintes de mystères archaïques. Si l'âme des habitants de Mamoiada est sereine, une magie étrange domine et les unit tous dans une action solidaire et dynamique.